Recul et impartialité requises

par Clotilde Buhler | 1 avril 2025
catégories : NL1-2025-FR

Dans les Point Rencontre, les interventions avec interprètes sont rares et les enjeux, sensibles.

« La sécurité et le bien-être de l’enfant sont nos priorités absolues », explique Isabelle Räber, directrice du Point Rencontre Fribourg. Pour atteindre cet objectif, faire appel aux interprètes est parfois nécessaire. Au regard des prestations proposées par les Point Rencontre, variables d’un canton à l’autre – cf. encadré-, les interprètes peuvent être amenés à intervenir dans des contextes très différents.

Visites surveillées

« Lors des entretiens de préparation à l’exercice du droit de visite, travailler avec des interprètes ne pose pas de problème », explique Isabelle Räber. Par contre, lors des heures de visite, une dizaine de parents et enfants sont présents dans une même salle. « La configuration n’est déjà plus celle du « trialogue classique » ». De plus, il n’y a pas d’entretien à proprement parlé. L’écoute et l’observation priment. « La communication non-verbale est très importante pour nous : l’enfant est-il sous pression ? a-t-il de l’espace ? ». Et les enjeux sont particulièrement délicats. « Même une remarque bienveillante à un parent peut être comprise comme un « parti pris », être relayée aux avocats, déformée par l’autre parent ou engendrer un conflit de loyauté chez l’enfant. En salle, l’impartialité est capitale », insiste la directrice. Dans ce cadre, transmettre un message d’une personne à l’autre n’est pas ce qui est recherché mais le besoin d’interprète reste présent, à d’autres conditions.

Une collaboration à repenser

« Sans la langue, nous ne comprenons pas ce qui éventuellement a mis un enfant sous pression. Par exemple, selon notre règlement, le parent n’a pas à interroger l’enfant pour savoir si l’autre parent a un-e compagne. Là, nous intervenons. Si les interprètes pouvaient nous signaler ce type de propos, cela nous serait utile mais ils n’ont pas été formés pour travailler ainsi », développe-t-elle. La présence d’interprètes interculturels pourrait également apporter un éclairage précieux pour mieux saisir le langage non-verbal. Enfin, la directrice fribourgeoise souhaite sensibiliser son équipe à l’interprétariat par téléphone. « Ce serait une bonne option pour pouvoir intervenir immédiatement si une situation se dégrade ».

Visites à domicile

Au Point Rencontre du Jura bernois, Mélina Oppliger, intervenante formée en protection de l’enfance et de l’adolescence, accompagne une famille monoparentale sous curatelle. « Je me rends au domicile de la famille 2-3 fois par semaine. L’objectif est de donner à la mère des outils éducatifs ». Deux interprètes interviennent à tour de rôle. Ici, la dimension interculturelle est déterminante. « Il est très important pour moi de pouvoir questionner les interprètes sur la culture du pays. Dans notre domaine, les troubles psychiques sont fréquents. Grâce aux interprètes, je distingue mieux ce qui relève de la culture du parent ou de ses difficultés psychologiques ». Une première expérience d’interprétariat vécue positivement par l’intervenante.

Confiance et confidentialité

« Comprendre tout ce qui est dit et être certaine du respect de la confidentialité sont les deux points essentiels à mes yeux. Les interprètes sont très attentifs à cela et savent prendre du recul face à la situation », estime Mélina Oppliger. L’intervenante a toutefois pris le temps d’exprimer ses attentes. « Je suis attentive à ce que tout soit verbalisé. En cas de doute, je pose la question à l’interprète, j’explique ce qu’on va faire lors des visites et les rôles ont été clarifiés ». Autant d’éléments qui lui ont permis de nouer un lien de confiance avec les interprètes comme avec la famille. Si le besoin d’interprétariat se fait sentir pour plusieurs situations, travailler avec interprète reste cependant un fait exceptionnel, selon l’intervenante.

Rares interventions

« Dans ce mandat de surveillance éducative, la curatrice a argumenté la nécessité de faire appel à un interprète pour accompagner cette famille allophone. Dans la majorité des cas, les demandes d’interprétariat ne sont pas validées en raison du coût ». De ce fait, les intervenantes ne peuvent accompagner ces personnes.

Au Point Rencontre Fribourg, avec moins de dix interventions par année, la question du financement ne se pose pas. « Quand nous ne pouvons pas communiquer, nous faisons appel aux interprètes. Nous nous en donnons les moyens ». Peu de familles allophones et une équipe multilingue expliquent un besoin limité mais en aucun cas les enfants ou les proches ne sont mis à contribution.

Un malaise palpable

A défaut d’interprète, les intervenantes peuvent parfois s’appuyer sur quelques mots de français ou le dossier écrit d’une famille. « En cas de communication trop incertaine, nous ne souhaitons pas organiser les visites. Mais il peut y avoir une forte pression des autorités ou des avocats pour que les visites se fassent. Il est alors très difficile en tant qu’intervenante de se sentir à l’aise car nous ne pouvons pas garantir la sécurité psychologique et affective de l’enfant », explique Mélina Oppliger avant de conclure : « Je pense que les autorités compétentes pourraient être davantage sensibilisées à cette question de l’interprétariat. »

ENCADRE- Prestations variables

Dans le Jura bernois, l’accompagnement dans le cadre du droit de visite (DVA), la passation de l’enfant dans l’exercice du droit de visite (PA), l’encadrement sociopédadogique (ESP) et la médiation familiale sont assumés par le Point Rencontre. A Fribourg, le Point Rencontre propose un lieu et un accompagnement pour l’exercice du droit de visite et de passage ** restreint par l’autorité compétente. Et Isabelle Räber de préciser : « C’est l’AEMO qui propose le suivi éducatif dans les familles ».

**Les parents se transfèrent l’enfant au Point Rencontre et l’enfant passe la journée ou le week-end chez l’autre parent


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