L’interprétariat : une pratique ciblée

par Clotilde Buhler | 1 avril 2023

La pratique de l’interprétariat continue de progresser dans la partie francophone du canton de Berne. Les demandes d’interprétariat restent toutefois moins nombreuses que dans les régions de Fribourg et du Jura.

« De nombreux facteurs jouent un rôle dans le fait de faire appel à un interprète », relève d’emblée Zeinab Ahmadi, collaboratrice scientifique à l’Office de l’intégration et de l’action sociale du canton de Berne (OIAS). Face à la diversité des mesures d’intégration des personnes migrantes, spécifiques à chaque région, l’OIAS précise les contours de leur approche. « Sur la voie de l'intégration sociale, linguistique et économique, l'OIAS considère qu'il est crucial d'offrir aux migrants un soutien ciblé là où c'est important. Les offres d'information multilingue, les cours et les programmes visant à promouvoir l'intégration créent les conditions-cadres appropriées pour que les migrants s'engagent en faveur de leur intégration, selon leurs capacités et possibilités ». Le canton de Berne veille également à ce qu’une offre d’interprétariat soit accessible aux professionnels en soutenant structurellement « se comprendre ». Autre base de référence, la Ville de Bienne s’est dotée d’une ordonnance (5 mars 2010) régissant le recours aux interprètes interculturels et stipulant la prise en charge des frais d’interprétariat pour toute demande d’interprétariat émanant de ses services. Dans ce contexte, qu’en est-il de la pratique de l’interprétariat sur le terrain ?

Une nécessité pour un suivi de qualité

« A la Croix-rouge (CRS), nous accompagnons les personnes issues de l’asile. Faire appel aux interprètes, plus qu’un avantage, est indispensable pour garantir un suivi de qualité et mener à bien notre mandat d’intégration », explique Rihab Bouchiba, assistante sociale au CRS Canton de Berne. De plus, l’institution apparaît comme une référence face aux besoins d’interprétariat. « Il peut s’agir d’entretiens à l’interne comme à l’externe, en réseau, sur demande de l’hôpital, du pédiatre, d’éducateurs, etc. Dès que nous suivons une personne, les demandes arrivent chez nous ». Rôdée à la pratique du trialogue, l’assistante sociale insiste également sur la dimension interculturelle. « L’interprète n’est pas là que pour traduire. Il nous permet de dépasser une barrière culturelle. En travaillant parfois sans interprète, j’ai pris conscience que même si nous avions pu communiquer au niveau linguistique, l’entretien suivant avec interprète a mis en lumière plusieurs malentendus et incompréhensions ».

Une recommandation pour informer

Pour le groupe-cible des nouveaux arrivants, relevant de la LEI (Loi sur les étrangers et l’intégration) ou venus par regroupement familial, l’OIAS travaille directement avec les employés des communes lors des formations aux entretiens initiaux, 1er pilier du modèle d’intégration bernois*. « Ici, l'interprétariat peut jouer un rôle car des entretiens avec interprètes peuvent garantir l’accès à la connaissance du fonctionnement des structures en Suisse. Il est donc recommandé de faire appel à un interprète professionnel, dans certains cas ». Une brochure sur l’interprétariat et la prise en charge par le canton des frais d’interprétariat liés à ces entretiens consolident le soutien apporté. Les demandes d’interprétariat des communes restent toutefois quasi inexistantes. « Fondamentalement, faire appel aux interprètes n'est pas obligatoire pour les communes », précise l’OIAS qui a invité « se comprendre » à présenter ses prestations lors d’une prochaine formation.

Une ressource parmi d’autres

A l’Antenne d’intégration de Bienne – 2ème pilier du modèle d’intégration – dont relèvent les 101 communes francophones bernoises, les collaborateurs multilingues assument un accueil en français, allemand, turc, espagnol, anglais et arabe. « Nous faisons appel aux interprètes en cas de besoin d’autres langues. De plus, les personnes qui viennent nous voir, souvent en Suisse depuis longtemps, maîtrisent le français ou l’allemand », explique Layal Ismail, conseillère à l’Antenne d’intégration. En effet, l’encouragement à l’apprentissage d’une des deux langues vise l’obtention d’une attestation linguistique de niveau A1 en un an. Un critère vérifié au moment du renouvellement du permis de séjour.

Ces ressources variées n’excluent toutefois pas la pratique de l’interprétariat. « Des questions de santé ou le financement du cours de langue à charge des participants relevant de la LEI peuvent ralentir l’apprentissage de la langue », explique Jenny Pieth, responsable du secteur conseils et réseautage au Service spécialisé de l’intégration de la Ville de Bienne. A cela s’ajoute l’analphabétisme, fréquent dans le domaine de l’asile. « Sur le terrain, je constate qu’un an n’est pas suffisant pour apprendre la langue. Et même un niveau A1 ne suffit pas pour communiquer sans interprète », indique Rihab Bouchiba.

Un besoin de professionnalisme

Bénévoles ou proches prennent également le relais pour soutenir les personnes allophones dans leurs démarches. Au regard de la qualité, « se comprendre » recommande toutefois une distinction claire entre bénévoles et interprètes professionnels (**). En ce sens, Ismail Layal précise rester attentive à chaque situation. « Si je constate que le message est peu transmis ou, pour des sujets privés, je vais faire appel à un interprète professionnel car l’information doit passer ».

Un besoin de professionnalisme confirmé par Rihab Bouchiba. « Confidentialité, impartialité et maîtrise de son rôle professionnel sont les éléments que j’attends des interprètes. Je parle moi-même arabe mais je fais appel aux interprètes car je n’ai ni la formation ni le rôle de l’interprète lors de l’entretien. De plus, avec des bénévoles, la maîtrise linguistique des deux langues est plus aléatoire et la perception de son rôle peut poser problème ».

Et Jenny Pieth de conclure : « notre service a également pour rôle de sensibiliser les professionnels d’autres services sur le fait qu’une information de qualité doit être accessible aux personnes étrangères. En permettant d’éviter des situations plus graves, faciliter l’intégration par tous les moyens, y compris l’interprétariat, est bénéfique pour tout le monde ».

*www.gsi.be.ch (Thèmes/Intégration/Migrantes et migrants)

** www.secomprendre.ch/interpretariat-communautaire/qualification-des-interpretes



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